KIRITIN BEYER
« No Land »
Les îles North Brother et Saint-Joseph cachent un sombre passé. Elles sont entourées de secrets et souvenirs que beaucoup préféreraient oublier.
North Brother est aux portes de New York City, tandis que Saint-Joseph se trouve près de Kourou, non loin du Centre Spatial Européen en Guyane française (Amérique du Sud). Les deux îles sont abandonnées et maintenant reconquises par la nature. Leurs histoires sont noyées sous les chants des oiseaux et une végétation luxuriante. Pourtant, des fantômes y demeurent et le passé y reste omniprésent.
De 1852 à 1952, Saint-Joseph a servi de colonie pénitentiaire française. Les détenus vivaient dans des conditions difficiles dans un environnement inhospitalier et brutal. North Brother était le théâtre d'une autre tragédie. De 1881 à 1943, l'île abritait l'hôpital Riverside pour maladies contagieuses. Les bâtiments comprenaient notamment un sanatorium pour les tuberculeux à une époque où la maladie était souvent mortelle. Plus tard, entre 1952 et 1964, l'endroit est devenu un centre de réhabilitation pour jeunes toxicomanes.
La nature recèle un don remarquable : sa capacité à transformer des vestiges douloureux en un tableau magnifique et coloré. Un passé autrefois sombre et gris est désormais recouvert de verts vibrants, de rouges rouillés et de bleus pastel. Ces images révèlent comment la nature et le temps, travaillant de concert, transforment un passé inhumain en un avenir brillant et plein d'espoir.
POURQUOI J'AIME CETTE SÉRIE PHOTOGRAPHIQUE URBEX, par Aurélie
Urbex est l'abréviation d’ « exploration urbaine », une activité souvent illégale (et parfois dangereuse) où les gens explorent des bâtiments abandonnés, des tunnels cachés et des lieux oubliés. Outre le frisson du danger et l'attrait de l'inconnu, l'urbex révèle un passé caché sous de nouvelles constructions ou de la végétation.
Les origines de l’exploration urbaine remontent aux années 1960. D’une sous-culture secrète partagée par quelques-uns, elle a gagné en popularité au fil des ans. L’Urbex bénéficie aujourd’hui d’une communauté de passionnés qui partagent leurs découvertes et expériences sur les réseaux sociaux, des forums Internet et des sites Web. A cause de la désindustrialisation massive qu’a connu l’Occident, le nombre de sites abandonnés a également explosé ces dernières années. De nombreuses usines et autres lieux ont été laissés ouverts aux éléments (et aux explorateurs).
Les gens s'aventurent dans ces endroits dangereux pour une multitude de raisons. Certains aiment les prouesses athlétiques que requiert l'Urbex, d’autres sont fascinés par l'histoire ou l'architecture locale, alors que d’autres sont en quête de liberté dans un monde trop souvent balisé à l’extrême, il existe de nombreuses façons de pratiquer l'Urbex. Cependant certaines règles existent. Les vrais urbexeurs ne rentrent pas par effraction, ne vandalisent pas le lieu et n’y volent rien, et la plupart ne divulgue pas l'emplacement exact de leur nouvelle découverte.
J'aime cette série pour les différentes temporalités qu’elle révèle - le temps à l'échelle humaine et le temps à l'échelle de la nature. Ses images confrontent la résilience et puissance de la nature avec notre fragilité et éphémèralité. Elles parlent de mort, d'oubli et du passé, mais aussi de vie et de la continuité du temps.
À PROPOS DE L'ARTISTE
Kiritin Beyer est née à Copenhague d'une mère française et d'un père danois. Après avoir passé une partie de son enfance dans les Pyrénées françaises, elle s'installe à Paris pour intégrer l'École Nationale du Cirque. Elle y est exposée à la plasticité du corps humain, une expérience qui influencera plus tard son travail.
Les cinq années que Beyer a passées à Paris en tant que mannequin l'ont convaincue qu'elle aimait être derrière l'objectif plutôt que devant lui.
Elle arrive à New York en 2004 pour se consacrer à la photographie et à la vidéo. En 2012, elle remporte une bourse de cinéma du BRIC (une fondation artistique basée à Brooklyn). La même année, Beyer se rend en Afrique de l'Est avec l'artiste Parris Jaru pour filmer « Imagination is Creation ». Le court-métrage a été nominé dans la catégorie Arts aux Emmy Awards.
En 2014, Beyer part en Inde pour documenter les couleurs et pigments naturels utilisés dans les textiles, les arts et la pratique ayurvédique. Le film qui en a résulté, « A Trail of Pigment », a reçu le prix B Free dans les catégories « Artistic and Health » du BRIC.
En 2016, Beyer réalise un court-métrage pour le groupe Les Nubians qui mélange leur musique et les peintures de Parris Jaru. La vidéo a depuis été projetée lors de leurs performances aux États-Unis. Kiritin Beyer a aussi réalisé leur clip, Libération.
Dans sa série d'exploration urbaine, Réappropriation elle utilise des lieux abandonnés comme terrain de jeu personnel et recrée d'anciennes traditions.
Beyer réside à Brooklyn, USA, et travaille comme photographe et vidéaste pour des magazines d'intérieur et des designers.